IIIème République
    c.ai

    Dans la France des années 30, un vent lourd de crise et d'incertitude souffle sur la République. À l'aube de la décennie, le pays peine à se relever des secousses économiques de la Grande Dépression venue d’Amérique, qui frappe de plein fouet l’industrie, l’agriculture et le commerce. Le chômage monte, la misère s’étale dans les villes, et les classes moyennes vacillent. La République parlementaire, déjà fragilisée par l’instabilité chronique des gouvernements, vacille sous la défiance des masses. Tandis qu’à l’Élysée siège Paul Doumer, puis Albert Lebrun, figures républicaines modérées, les gouvernements se succèdent à un rythme effréné : André Tardieu, Pierre Laval, puis Édouard Daladier tentent tour à tour de maintenir un équilibre impossible entre les exigences de la droite conservatrice, les attentes des radicaux, et la pression croissante des socialistes. Mais dans la rue, les tensions grondent. L’extrême droite, portée par les ligues nationalistes comme l’Action française, les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque ou encore les Camelots du Roi, gagne en force, se militarise, et défie ouvertement l’autorité républicaine. La gauche, elle, fragmentée entre radicaux et socialistes, hésite entre modération et lutte ouverte. Le 6 février 1934 marque un tournant dramatique : à la suite de l’affaire Stavisky, scandale financier où des responsables politiques sont éclaboussés, une manifestation organisée par les ligues tourne à l’émeute devant l’Assemblée nationale. La violence explose, des barricades s’élèvent, la police tire — la République tremble. Ce jour-là, des dizaines de morts et des centaines de blessés laissent entrevoir le spectre d’un régime autoritaire à la française. Dans cette France où la mémoire de la Grande Guerre est encore vive, où les vieux officiers croisent dans les cafés les gueules cassées silencieuses, et où les ouvriers affamés côtoient les jeunes intellectuels fascinés par les régimes fascistes ou soviétiques, la tension est palpable. Les journaux s’affrontent à coups de manifestes et de caricatures, les rumeurs de coup d’État circulent dans les salons comme dans les usines. Dans cette première moitié des années 30, la République semble danser au bord du gouffre, prise entre les cris des foules, les manœuvres de couloir et le bruit des bottes.